lundi 28 mai 2018

Mineurs isolés étrangers dans les Alpes-Maritimes : la réponse du Défenseur des Droits

Le 29 mars 2018 l'association "Tous citoyens !" a rendu publiques six propositions pour un accueil digne des mineurs isolés étrangers dans les Alpes-Maritimes (consultables ici).

Ces propositions ont permis d'une part de dresser un état des lieux des carences et non respect du droit à la protection de l'enfance à chaque étape du parcours administratif, social et judiciaire des mineurs isolés dans notre département et, d'autre part, d'émettre des propositions concrètes pour répondre point par point à ces manquements.

Elles ont été adressées au Préfet des Alpes-Maritimes, au Président du Département 06, au Recteur d'académie et au Défenseur des Droits.

Le Défenseurs des Droits a répondu à l'association "Tous citoyens" le 18 mai 2018 et nous adresse copie de sa décision n°2018-100 rendue le 25 avril 2018, suite à une saisine par plusieurs associations et syndicats et à une instruction qui a durée plusieurs mois :

- Sur le renvoi en Italie de mineurs non accompagnés : le Défenseur des Droits rappelle que cette pratique est contraire au droit et demande instamment au Préfet d'y mettre fin. Tout mineur intercepté à un point de passage autorisé doit être placé en zone d'attente, bénéficier d'informations dans une langue qu'il comprend et pouvoir être accompagné d'un avocat. Le Préfet doit respecter un jour franc avant tout renvoi et informer le Procureur de la République pour que ce dernier puisse désigner un administrateur ad hoc (habilité à déposer une demande d'asile pour le mineur). Les renvois à la frontières doivent être formalisée par des décisions écrites pouvant faire l'objet d'un recours, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Il demande au Ministre de l'intérieur de veiller à le bonne application de ces recommandations.

Ces recommandations confirment l'illégalité des renvois à la frontières des mineurs non accompagnés par la Police de l'Air et des Frontières et le non respect des droits des mineurs, notamment pouvoir être accompagné d'un avocat et pouvoir déposer un recours. Le Ministre de l'Intérieur est officiellement saisi et ne peut continuer à ignorer la situation des mineurs isolés dans les Alpes-Maritimes.

Sur les conditions d'accueil des mineurs non accompagnés : le Défenseur des Droits rappelle son opposition aux tests osseux qui ne doivent intervenir qu'en dernier recours. 
Il rappelle au Président du Département et au Foyer de l'enfance que les mineurs doivent bénéficier d'examens médicaux particulièrement importants suite aux conditions extrêmes de survie durant leur migration et la nécessaire prise en compte de l'impact sur leur santé physique et psychique.
Il rappelle également, notamment au services de l'Education Nationale, que ces mineurs doivent être scolarisés en priorité dans les établissements scolaires ordinaires.
Il demande au Président du Conseil Départemental d'informer réellement les mineurs de leurs voies de recours auprès du Tribunal pour enfant et de leur fournir une liste d'associations pouvant les accompagner dans leurs démarches.
Il lui demande également de finaliser dans les meilleurs délais un protocole avec le Préfet afin de garantir une meilleurs prise en compte des documents d'état civil détenus par les mineurs. 

Le Défenseur des Droits demande enfin au Ministre, au Préfet, au Président du Département, au Recteur et au Directeur du foyer de l'enfance de rendre compte des suites données à ces recommandations dans un délais de trois mois suivant la notification de sa décision (rendue le 25 avril 2018).

Cette décision du Défenseur des Droits confirme en tous points le constat dressé par l'association "Tous citoyens" et par de nombreux observateurs et acteurs de terrain, associations, partis politiques et syndicats. Il conforte le bien fondé de nos propositions notamment sur le non respect des droits des mineurs isolés à la frontière, sur la nécessaire prise en charge et suivi post traumatique suite aux sévices subis et drames vécus lors de la migration, et sur l'indispensable ouverture des établissements scolaires aux mineurs non accompagnés.

Le dernier point relatif à la prise en compte des documents d'état civil est une allusion directe aux disparitions étranges des actes de naissance des mineurs dans les locaux de la Police de l'Air et des Frontières et des falsifications répétées des dates de naissance déclarées par les jeunes.

Nous attendons désormais les réponses à nos six propositions du Préfet, du Président du Département et du Recteur d'académie.

Enfin, le Ministre de l'Intérieur, le Président du Département, le Recteur et le Directeur du foyer de l'enfance doivent rendre des comptes au Défenseur des Droits avant fin juillet des mesures mises en œuvres suite à sa décision. Nous les invitons fortement, par soucis de transparence, à rendre public leur rapport.

La réponse du Défenseur des Droits et sa décision 2018-100 sont consultables ici.

lundi 21 mai 2018

Mineurs isolés étrangers : lettre ouverte au Président du Département 06


       Monsieur Charles-Ange Ginesy,
                  Président du Conseil Départemental 06

Nice, le 21 mai 2018


Objet : accueil et prise en charge des mineurs isolés étrangers

M. le Président,

Par ce courrier, nous souhaitons revenir sur l’accueil des mineurs isolés étrangers dans notre département.

Suite à de multiples rencontres et témoignages, nous pensons qu’il est fondamental d’améliorer leurs conditions d’accueil et d’accompagnement au plus vite, notamment à la Résidence Universitaire Nice Baie des Anges.

Notre département ne peut se satisfaire d’une simple « mise à l’abri », soit un lit et un peu de nourriture plus ou moins agréable.

La France est signataire de la Convention internationale des Droits de l’Enfant qui a des principes directeurs clairs :

- La non-discrimination
- L’intérêt supérieur de l’enfant
- Le droit à la survie et au développement
- L’opinion de l’enfant
- Le droit à l’éducation et la formation
Ces principes directeurs ne nous semblent pas respectés en l’état actuel des choses : un apprentissage de notre langue quasi inexistant, aucun accompagnement pour trouver une formation pour les plus de 16 ans, aucune possibilité de prendre les transports collectifs, aucun suivi psychologique alors qu’ils ont souvent vécu des atrocités insupportables, etc.

Comment pouvez-vous croire qu’un enfant isolé puisse trouver seul un contrat de formation quelconque en parlant peu le français et sans possibilité de transport ?

Le Conseil Départemental est garant des droits des mineurs et ces droits les plus fondamentaux ne sont toujours pas respectés.

Nous restons à votre disposition pour travailler à une amélioration importante de l’accueil des mineurs isolés étranger dans notre département.

Dans l’attente de votre réponse, veuillez agréer, Monsieur Le Président, nos respectueuses salutations.

Signataires : Fédération Syndicale Unitaire 06 – Groupe d'action thématique Réfugiés-migrants 06 de la France insoumise – Ligue des Droits de l’Homme 06 – Mouvement des Jeunes Communistes de France 06 - Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitiés entre les Peuples 06 – Parti Communiste Français 06 – Roya Citoyenne – Réseau Education Sans Frontière 06 – association Tous citoyens !