L’accompagnement des Mineurs Non Accompagnés par l’association "Tous Citoyens !" de 2017 à 2022
En droit, tout mineur isolé étrangers (ou Mineurs Non Accompagnés) présent sur le territoire français, sans parent ni tuteur légal, doit bénéficier de la protection de l’enfance jusqu’à sa majorité. Mais la réalité est tout autre et, bien souvent, les jeunes exilés arrivant en France ne parviennent pas à prouver leur minorité. Pire, ils subissent une série d’entraves les empêchant de faire valoir leurs droits.
Notre association « Tous citoyens », dans les Alpes-Maritimes,
aide les primo-arrivants lors de leur demande de protection de l’enfance. Il
faut pour cela les accompagner au commissariat Auvare à Nice. Elle accompagne
également, et c’est la part la plus importante de son action, les jeunes dont
l’évaluation de minorité par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), service du
Département des Alpes-Maritimes, n’est pas concluante.
Le seul moyen pour prouver leur minorité est de saisir le tribunal pour
enfants (TPE) sur la base d’un nouvel élément afin que le juge ordonne leur
placement. Nous travaillons pour cela avec les avocats du Syndicat des Avocats
de France qui défendent ces jeunes et sans qui rien ne serait possible.
Mais ces procédures sont longues et complexes : comprendre le
parcours des jeunes, souvent avec l’aide de traducteurs, obtenir des documents
originaux au pays, leur légalisation par l’ambassade, obtenir des passeports
et, pour ceux arrivant à la majorité, des cartes de séjour. Durant toutes ces
démarches, en l’absence de prise en charge par les pouvoirs publics, il faut
les héberger, les nourrir, les accompagner dans leur accès aux soins, etc.
Nous avons dû créer et organiser un réseau d’hébergements solidaires constitué de bénévoles hébergeant gratuitement ces jeunes, parfois pour une ou deux nuits, parfois pour quelques semaines, parfois pour plusieurs mois. Des liens forts se créent parfois entre les bénévoles et les jeunes accueillis et certains les parrainent, d’autres deviennent tiers dignes de confiance, quelques-uns allant jusqu’à l’adoption. Que ce soit un hébergement ponctuel, un accompagnement administratif et social ou de véritables liens affectifs, tous, aidants comme aidés, participent d’une même chaine de solidarité.
Nous ne pouvons, à partir de notre seule action, tirer d’enseignements sur l’ensemble des jeunes exilés arrivant dans notre département car nous n’en accompagnons qu’un petit nombre.
Il est de plus bien difficile de savoir ce qu’ils deviennent. Beaucoup
reprennent leur migration face à l’absence de prise en charge par les pouvoirs
publics et aux entraves administratives et judiciaires auxquelles ils doivent
faire face. Nous perdons le plus souvent leur trace. Beaucoup, placés après 16
ans, sont apprentis et obtiennent à 18 ans une carte de séjour. Quelques-uns,
placés avant 15 ans, obtiennent la nationalité française à leur majorité.
Nous avons tenté d’établir quelques données statistiques à partir de notre action citoyenne menée de 2017 à 2022 (cliquez sur les images pour les agrandir).
Les prises en charge
L’association
Tous citoyens n’a pas de local ni de guichet d’accueil. En comparaison avec
d’autres associations, elle accompagne très peu de personnes. Pour autant ces
accompagnements sont longs (plusieurs mois et souvent plusieurs années) et
requièrent des actions administratives et judiciaires toujours plus complexes.
Les jeunes exilés :
Les mineurs
isolés pris en charge par notre association sont très majoritairement des
garçons. Les jeunes filles aidées ont le plus souvent subi des excisions,
viols, mariages ou prostitution forcés.
Lorsque le Département
06 ne reconnait pas la minorité des jeunes demandant la protection de
l’enfance, le seul moyen de faire valoir leurs droits est de saisir le Tribunal
Pour Enfants (TPE). Le taux de réussite au TPE de Nice était très bon jusqu’en
2019, mais le Département 06 a commencé à contester ses décisions en appel.
Depuis, le TPE de Nice a quasi systématiquement recours à des tests osseux pour
déterminer l’âge des demandeurs, tests dont nous contestons la fiabilité. Si le
taux de réussite au TPE diminue d’année en année, il reste, de 2017 à 2022,
largement positif.
Le devenir des jeunes accompagnés par
Tous citoyens
De 2017 à 2022,
nous avons accompagné 247 jeunes exilés mais nous sommes sans nouvelle de
beaucoup d’entre eux. Parmi les jeunes dont nous avons pu suivre le parcours, un
peu plus d’un quart a repris sa migration. Seize d’entre eux ont été reconnus
mineurs dans un autre département après avoir été déclarés majeurs dans les
Alpes-Maritimes, ce qui démontre la disparité des modalités d’évaluation entre
les différents départements.
Ainsi, en 2022 :
Quatorze jeunes ont obtenu leur diplôme : Jean Marie (CAP boulanger), Hussain (CAP pâtissier), Moussa C. (CAP pâtissier), Lacine (CAP menuisier aluminium - verre), Moussa D. (CAP serrurier métallier), Ablayi (CAP mécanicien), Mory (CAP électricien), David (CAP jardinerie), Drissa (CAP menuisier), Marcelin (CAP jardinerie), Lamine (CAP électricien), Ousmane (CAP cuisinier), Ibrahim (CAP boulanger), Amidou (CAP jardinerie).
Ces belles réussites démontrent la volonté d’intégration des Mineurs Non Accompagnés. De nombreux patrons témoignent de leur implication et leur sérieux.
Sept jeunes ont été reconnus mineurs après saisine du tribunal pour enfants : Md Arif, Alhassane, Ousmane, Francis, Lamine, Abdoulaye et Adama.
Ce qui veut dire qu’à sept reprises en un an le Tribunal pour Enfants a invalidé l’évaluation faite par le Département 06.
Sept jeunes ont obtenu un premier titre de séjour : Goulyamine, Moussa D., David, Drissa, Souleymane, Fousseny, Ibrahim.
Ces jeunes exilés ont désormais un avenir stable devant eux. Après tout ce qu’ils ont subi dans leur pays d’origine et durant leur migration, ils peuvent enfin se projeter vers une nouvelle vie, libres et en sécurité.
Un jeune, Ben, a obtenu la nationalité française !
C’est également un élément important : les jeunes placés avant l’âge de 15 ans peuvent obtenir la nationalité française à 18 ans, ils ne sont plus des étrangers.
Plus que jamais, notre mot d'ordre prend tout son sens : "Aider, c'est résister"
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