Le Préfet Leclerc avait rendu, dans les Alpes-Maritimes, le dialogue entre l'Etat et la société civile très difficile, refusant de recevoir de nombreuses associations dont la notre, "Tous citoyens !".
Voyant l'arrivée d'un nouveau Préfet avec l'espoir d'un dialogue rétabli, nous avons adressé au Préfet Gonzales une demande d'audience , il y a un mois jour pour jour, restée à ce jour sans réponse de sa part.
Dans ce courrier, que nous rendons aujourd'hui public, nous attirons son attention sur six points précis relevant directement de ses prérogatives :
- La fermeture de la frontière franco-italienne et la clandestinité contrainte des demandeurs d’asile entre la frontière et Nice
- La non prise en charge sociale des demandeurs d’asile entre la prise de rendez-vous à la Structure de Premier Accueil des Demandeurs d’Asile et le rendez-vous en préfecture
- La non détection systématique de la tuberculose chez les demandeurs d’asile et les mineurs isolés et le risque pour la santé publique
- Les conditions indignes de prise en charge des mineurs isolés durant la phase de mise à l’abri
- La non prise en charge post-traumatique des exilés
- La non prise en charge par le 115 des enfants de plus de 1 an et des femmes enceintes de moins de 7 mois de grossesse
Nous aurions pu en ajouter un septième : L'absence de concertation préalable à l'ouverture de foyers pour mineurs isolés étrangers.
Nous souhaitons rencontrer le Préfet pour évoquer avec lui ces différents dysfonctionnements observés durant nos actions de solidarité et lui soumettre nos propositions dans une démarche ouverte et constructive.
Nous réitérons, publiquement cette fois, notre demande.
Courrier adressé le 8 juillet 2019 :
M. le Préfet des
Alpes-Maritimes
Préfecture
des Alpes-Maritimes
147
Bd du Mercantour
06200
Nice
Nice,
8 juillet 2019
Objet : demande d’audience
Monsieur le
Préfet,
Notre association « Tous
citoyens ! » œuvre depuis trois ans pour favoriser l’engagement
citoyen, le vivre ensemble et la solidarité. Nous avons constaté des
manquements graves à l’Etat de droit dans notre département et nous souhaitons
porter ces faits à votre connaissance.
Nous considérons que l’action
citoyenne et l’action des pouvoirs publics, loin de s’opposer vainement,
devraient être complémentaires. Nous sollicitons, par la présente, audience
auprès de vous afin d’échanger sur ces sujets et de vous soumettre des
propositions concrètes.
Parmi les
nombreux dysfonctionnements auxquels les personnes que nous aidons sont
confrontées, nous avons sélectionné six sujets relevant directement de vos
prérogatives :
● La fermeture de la frontière franco-italienne et la
clandestinité contrainte des demandeurs d’asile entre la frontière et
Nice : les demandeurs d’asile, du
fait de la fermeture de la frontière, se tournent vers des passeurs pour venir
en France ou tentent seuls le passage. Nous dénombrons plus de 20 décès depuis
la fermeture de cette frontière. Une fois en France ils doivent se cacher pour
venir jusqu’à Nice où ils pourront faire valoir leur droit à l’asile à la
Structure du Premier Accueil des Demandeurs d’Asile (SPADA). Ouvrir la
frontière en contrôlant les passages et y assurer des permanences de la SPADA
permettrait d’organiser de façon sécurisée, légale et rationnelle le transit
jusqu’à Nice.
● La non prise en charge sociale des demandeurs d’asile entre
la prise de rendez-vous à la Plate-Forme des Demandeurs d’Asile et le
rendez-vous en préfecture : une fois
arrivés à Nice, les demandeurs d’asile obtiennent un rendez-vous en Préfecture
à la SPADA. Ce rendez-vous est souvent fixé à une dizaine de jours. En période
de saturation, les délais ont été portés jusqu’à deux mois d’attente. Durant
cette période et malgré le dévouement du personnel de "Forum
Réfugiés", aucune prise en charge sociale n’est prévue et des familles,
souvent avec enfants en bas âges, se retrouvent à la rue. Pour seule réponse,
les demandeurs sont orientés vers des CHRS déjà saturés. L’ouverture d’espaces
d’accueil dédiés spécifiquement aux demandeurs d’asile est un impératif à la
fois pour la dignité de ces personnes et pour désengorger tout le circuit de
l’accueil et de l’hébergement d’urgence dans le département.
● La non détection systématique de la tuberculose chez les
demandeurs d’asile et les mineurs isolés et le risque pour la santé
publique : certains exilés viennent
des zones les plus à risque au niveau de la tuberculose et certains camps en
Italie ont été identifiés comme des foyers de propagation de la maladie. Les
demandeurs d’asile adultes qui se présentent à la SPADA reçoivent une
information sur le risque tuberculeux mais sans accompagnement possible au
Centre de Lutte Anti-Tuberculose.
Les mineurs isolés, durant leur phase de mise à l’abri,
sous votre responsabilité légale et dans l’attente de leur évaluation par
l’Aide Sociale à l’Enfance, ne sont plus systématiquement soumis à un
dépistage. Quand les arrivées sont trop nombreuses beaucoup sont déclarés
majeurs et remis à la rue sans être passés par le Centre de Lutte
Anti-Tuberculose. Qu’ils continuent leur route, qu’ils soient pris en charge
par des bénévoles associatifs ou qu’ils aillent dormir en foyer avec des SDF,
ils peuvent potentiellement développer la tuberculose et devenir des vecteurs
de contamination.
● Les conditions indignes de prise en charge des mineurs
isolés durant la phase de mise à l’abri : dans les Alpes-Matitimes, suite à un accord entre la
Préfecture et le Département, un mineur isolé, pour demander la protection de
l’Aide Sociale à l’Enfance, doit se présenter au commissariat. Beaucoup de ces
jeunes ont peur de l’uniforme, beaucoup ont subi des actes des violences dans
leur pays d’origine ou des actes de torture dans les camps en Libye. Le service
du Quart au commissariat Auvare, même avec les policiers les plus
professionnels et bienveillants, n’est pas un lieu adapté pour accueillir des
mineurs et, a fortiori, des mineurs ayant vécu un trauma nécessitant une prise
en charge particulière. Rétablir, comme dans d’autres départements, un pré
accueil des mineurs isolés dans les locaux du Département, par un travailleur
social, serait beaucoup plus adapté.
● La non prise en charge post-traumatique des exilés : de nombreux exilés ont vécu des traumatismes. Qu’il
s’agisse d’acte de guerre ou d’actes de torture, de naufrages, de viols ou de
traite organisée, ces exilés ont besoin d’une prise en charge post-traumatique
tant physiologique que psychologique. Cette prise en charge est à la fois une
nécessité absolue pour le devenir de ces personnes et un acte de prévention
médicale et sociale de leurs phases de décompensations possibles dans l’avenir.
Une détection systématique des troubles post-traumatiques, a minima dans les lieux d’accueils placés sous votre responsabilité
directe (CADA, CRA, mineurs en phase de mise à l’abri…), serait un geste
significatif.
● La non prise en charge par le 115 des enfants de plus de 1
an et des femmes enceintes de moins de 7 mois : alors que dans la plupart des départements de France un
enfant de moins de trois ans est considéré comme étant en situation de danger
s’il dort à la rue, dans les Alpes-Maritimes, le 115 n’a plus obligation de
prendre en charge les enfants de plus de un an. Il en va de même pour les
femmes enceintes, automatiquement mises à l’abri dès leur 4ème mois
de grossesse ailleurs et laissées à la rue jusqu’à leur 7ème mois de
grossesse dans notre département. Cette situation constitue une mise en danger
manifeste d’enfants en bas-âge et de femmes enceintes, c’est-à-dire de
personnes légalement vulnérables. Le relèvement de ces seuils de prises en
charge est tout autant un impératif humain qu’une obligation légale.
Nous vous
remercions par avance de l'attention que vous porterez à la présente et, dans
l’espoir d’une audience rapide, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet,
l'expression de notre profond respect.
David
Nakache
Président
de l’association « Tous citoyens ! »
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