jeudi 8 août 2019

Demande d'audience au Préfet des Alpes-Maritimes

Le Préfet Leclerc avait rendu, dans les Alpes-Maritimes, le dialogue entre l'Etat et la société civile très difficile, refusant de recevoir de nombreuses associations dont la notre, "Tous citoyens !".

Voyant l'arrivée d'un nouveau Préfet avec l'espoir d'un dialogue rétabli, nous avons adressé au Préfet Gonzales une demande d'audience , il y a un mois jour pour jour, restée à ce jour sans réponse de sa part.

Dans ce courrier, que nous rendons aujourd'hui public, nous attirons son attention sur six points précis relevant directement de ses prérogatives :
  1. La fermeture de la frontière franco-italienne et la clandestinité contrainte des demandeurs d’asile entre la frontière et Nice
  2. La non prise en charge sociale des demandeurs d’asile entre la prise de rendez-vous à la Structure de Premier Accueil des Demandeurs d’Asile et le rendez-vous en préfecture
  3. La non détection systématique de la tuberculose chez les demandeurs d’asile et les mineurs isolés et le risque pour la santé publique
  4. Les conditions indignes de prise en charge des mineurs isolés durant la phase de mise à l’abri
  5. La non prise en charge post-traumatique des exilés
  6. La non prise en charge par le 115 des enfants de plus de 1 an et des femmes enceintes de moins de 7 mois de grossesse
Nous aurions pu en ajouter un septième : L'absence de concertation préalable à l'ouverture de foyers pour mineurs isolés étrangers.

Nous souhaitons rencontrer le Préfet pour évoquer avec lui ces différents dysfonctionnements observés durant nos actions de solidarité et lui soumettre nos propositions dans une démarche ouverte et constructive. 

Nous réitérons, publiquement cette fois, notre demande.

Courrier adressé le 8 juillet 2019 :

                                                                                                            M. le Préfet des Alpes-Maritimes
                                                                                                            Préfecture des Alpes-Maritimes
                                                                                                            147 Bd du Mercantour
                                                                                                            06200 Nice


                                                                                                            Nice, 8 juillet 2019
                                                                                             
Objet : demande d’audience


Monsieur le Préfet,

Notre association « Tous citoyens ! » œuvre depuis trois ans pour favoriser l’engagement citoyen, le vivre ensemble et la solidarité. Nous avons constaté des manquements graves à l’Etat de droit dans notre département et nous souhaitons porter ces faits à votre connaissance.
Nous considérons que l’action citoyenne et l’action des pouvoirs publics, loin de s’opposer vainement, devraient être complémentaires. Nous sollicitons, par la présente, audience auprès de vous afin d’échanger sur ces sujets et de vous soumettre des propositions concrètes.
Parmi les nombreux dysfonctionnements auxquels les personnes que nous aidons sont confrontées, nous avons sélectionné six sujets relevant directement de vos prérogatives : 

La fermeture de la frontière franco-italienne et la clandestinité contrainte des demandeurs d’asile entre la frontière et Nice : les demandeurs d’asile, du fait de la fermeture de la frontière, se tournent vers des passeurs pour venir en France ou tentent seuls le passage. Nous dénombrons plus de 20 décès depuis la fermeture de cette frontière. Une fois en France ils doivent se cacher pour venir jusqu’à Nice où ils pourront faire valoir leur droit à l’asile à la Structure du Premier Accueil des Demandeurs d’Asile (SPADA). Ouvrir la frontière en contrôlant les passages et y assurer des permanences de la SPADA permettrait d’organiser de façon sécurisée, légale et rationnelle le transit jusqu’à Nice.

La non prise en charge sociale des demandeurs d’asile entre la prise de rendez-vous à la Plate-Forme des Demandeurs d’Asile et le rendez-vous en préfecture : une fois arrivés à Nice, les demandeurs d’asile obtiennent un rendez-vous en Préfecture à la SPADA. Ce rendez-vous est souvent fixé à une dizaine de jours. En période de saturation, les délais ont été portés jusqu’à deux mois d’attente. Durant cette période et malgré le dévouement du personnel de "Forum Réfugiés", aucune prise en charge sociale n’est prévue et des familles, souvent avec enfants en bas âges, se retrouvent à la rue. Pour seule réponse, les demandeurs sont orientés vers des CHRS déjà saturés. L’ouverture d’espaces d’accueil dédiés spécifiquement aux demandeurs d’asile est un impératif à la fois pour la dignité de ces personnes et pour désengorger tout le circuit de l’accueil et de l’hébergement d’urgence dans le département.

La non détection systématique de la tuberculose chez les demandeurs d’asile et les mineurs isolés et le risque pour la santé publique : certains exilés viennent des zones les plus à risque au niveau de la tuberculose et certains camps en Italie ont été identifiés comme des foyers de propagation de la maladie. Les demandeurs d’asile adultes qui se présentent à la SPADA reçoivent une information sur le risque tuberculeux mais sans accompagnement possible au Centre de Lutte Anti-Tuberculose.
Les mineurs isolés, durant leur phase de mise à l’abri, sous votre responsabilité légale et dans l’attente de leur évaluation par l’Aide Sociale à l’Enfance, ne sont plus systématiquement soumis à un dépistage. Quand les arrivées sont trop nombreuses beaucoup sont déclarés majeurs et remis à la rue sans être passés par le Centre de Lutte Anti-Tuberculose. Qu’ils continuent leur route, qu’ils soient pris en charge par des bénévoles associatifs ou qu’ils aillent dormir en foyer avec des SDF, ils peuvent potentiellement développer la tuberculose et devenir des vecteurs de contamination.

Les conditions indignes de prise en charge des mineurs isolés durant la phase de mise à l’abri : dans les Alpes-Matitimes, suite à un accord entre la Préfecture et le Département, un mineur isolé, pour demander la protection de l’Aide Sociale à l’Enfance, doit se présenter au commissariat. Beaucoup de ces jeunes ont peur de l’uniforme, beaucoup ont subi des actes des violences dans leur pays d’origine ou des actes de torture dans les camps en Libye. Le service du Quart au commissariat Auvare, même avec les policiers les plus professionnels et bienveillants, n’est pas un lieu adapté pour accueillir des mineurs et, a fortiori, des mineurs ayant vécu un trauma nécessitant une prise en charge particulière. Rétablir, comme dans d’autres départements, un pré accueil des mineurs isolés dans les locaux du Département, par un travailleur social, serait beaucoup plus adapté.

La non prise en charge post-traumatique des exilés : de nombreux exilés ont vécu des traumatismes. Qu’il s’agisse d’acte de guerre ou d’actes de torture, de naufrages, de viols ou de traite organisée, ces exilés ont besoin d’une prise en charge post-traumatique tant physiologique que psychologique. Cette prise en charge est à la fois une nécessité absolue pour le devenir de ces personnes et un acte de prévention médicale et sociale de leurs phases de décompensations possibles dans l’avenir. Une détection systématique des troubles post-traumatiques, a minima dans les lieux d’accueils placés sous votre responsabilité directe (CADA, CRA, mineurs en phase de mise à l’abri…), serait un geste significatif.

La non prise en charge par le 115 des enfants de plus de 1 an et des femmes enceintes de moins de 7 mois : alors que dans la plupart des départements de France un enfant de moins de trois ans est considéré comme étant en situation de danger s’il dort à la rue, dans les Alpes-Maritimes, le 115 n’a plus obligation de prendre en charge les enfants de plus de un an. Il en va de même pour les femmes enceintes, automatiquement mises à l’abri dès leur 4ème mois de grossesse ailleurs et laissées à la rue jusqu’à leur 7ème mois de grossesse dans notre département. Cette situation constitue une mise en danger manifeste d’enfants en bas-âge et de femmes enceintes, c’est-à-dire de personnes légalement vulnérables. Le relèvement de ces seuils de prises en charge est tout autant un impératif humain qu’une obligation légale.
Nous vous remercions par avance de l'attention que vous porterez à la présente et, dans l’espoir d’une audience rapide, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, l'expression de notre profond respect.

                                                                                                       David Nakache

                                                                                                       Président de l’association « Tous citoyens ! »



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