vendredi 25 mars 2022

Non au tri des réfugiés fuyant l’Ukraine à la frontière franco-italienne !

 

Lettre ouverte au préfet des Alpes-Maritimes :

« Non au tri des réfugiés fuyant l’Ukraine à la frontière franco-italienne ! »

 

Monsieur Le Préfet,

Nous nous permettons de vous interpeller car la Police de l’Air et des Frontières française, placée sous votre autorité, se livre quotidiennement, à la frontière franco-italienne, à un inadmissible tri des réfugiés fuyant la guerre en Ukraine, laissant passer les Ukrainiens et refoulant les non-ukrainiens.

Depuis le 24 février 2022, des milliers de victimes de la guerre fuient l’Ukraine passant par la Pologne, la Moldavie, la Hongrie et continuent leur chemin vers d’autres états européens.

Il est acquis que les personnes arrivant aux frontières puissent, le plus facilement possible, passer dans un autre pays membre, pour rejoindre de la famille ou des amis.

En effet, la commission européenne rappelait le 8 Mars 2022 qu’il existait de multiples catégories d’entrants parmi lesquels des citoyens de l’UE, des réfugiés reconnus par l’Ukraine, mais aussi des étudiants et travailleurs de nombreux pays ; elle rappelait qu’ « il est capital que toutes les personnes qui fuient l’agression de la Russie en Ukraine, sans exception, soient traitées avec le plus grand respect et le plus grand soin ».

Le Conseil de l’Union Européenne a décidé d’actionner, le 4 mars 2022, le dispositif exceptionnel de protection temporaire prévu à l’article 5 de la directive du 20 Juillet 2001.

La circulaire ministérielle adressée le 10 mars 2022 à tous les préfets précise le champ d’application de la décision du Conseil de l’Union :

-        Les ressortissants ukrainiens y résidant avant le 24 février 2022

-        Les ressortissants des pays tiers bénéficiant d’une protection internationale ou nationale équivalente

-        Les ressortissants de pays tiers résidant régulièrement en Ukraine « sur la base d’un titre de séjour permanent en cours de validité délivré conformément au droit ukrainien et qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays d’origine dans des conditions sûres et durables » ; pour l’application de ces dispositions, vous convoquerez l’intéressé à un entretien au cours duquel vous procèderez à l’examen de sa situation individuelle.

-        Les membres de famille

La Commission européenne, dans une publication du 21 Mars 2022 a rappelé que tant les personnes ayant droit à la protection temporaire que celles qui n’y ont pas droit peuvent bénéficier du regroupement familial.

Elle précise encore que les personnes qui n’auraient pas droit à une protection temporaire et qui seraient en mesure de retourner dans leur pays d’origine dans des conditions sures et durables devraient être admises dans l’Union, même si elles ne remplissent pas toutes les conditions d’entrée fixées par le code frontières Schengen, afin que leur passage sur en vue de leur retour soit assuré.

Il est donc de votre responsabilité de garantir aux ressortissants non-ukrainiens fuyant les bombardements russes, un entretien individuel et l’étude de leurs droits. Encore faut-il les laisser entrer sur le sol français !

Or, plusieurs dizaines de ressortissants de pays tiers fuyant l’Ukraine, ont, nonobstant ces directives et recommandations,  été refoulés à la frontière franco-italienne par les agents de la Police de l’Air et des Frontières placés sous votre responsabilité, en total contradiction avec les décisions de l’Union Européenne et des engagements de la France.

Nous avons été alertés sur la gravité de ces exactions, et avons été informés de source sure des réponses données par un agent de la PAF, sur l’une de ces situations :  

« Ils ne sont pas ukrainiens, ils sont xxxx (…) Le plus court chemin pour XXXX, c’est pas la France, c’est de l’autre côté. Ils repartent d’où ils viennent.

On a des instructions.

(…) Les Ukrainiens y’a pas de soucis, ceux qui sont pas ukrainiens, c’est comme ça. C’est la loi. »

Ces pratiques vont à l’encontre d’un traitement digne et respectueux des exilés fuyant la guerre en Ukraine. Elles constituent une privation manifeste de leurs droits. Elles établissent une discrimination intolérable et un tri honteux entre ukrainiens et non ukrainiens.

Nous vous demandons de faire appliquer, sans délais et sans dévoiement, la décision du Conseil de l’Europe éclairée par la circulaire du 10 mars 2022 et la communication de la Commission européenne du 21 Mars 2022 et de donner les instructions en ce sens aux services de la Police aux Frontières.

Nous vous prions de croire, Monsieur Le Préfet, à l’expression de notre parfaite considération.


Habitat et citoyenneté, la Ligue des Droits de l’Homme, le Syndicat des Avocats de France, et Tous citoyens.

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