Lettre ouverte au préfet des
Alpes-Maritimes :
« Non au tri des réfugiés fuyant
l’Ukraine à la frontière franco-italienne ! »
Monsieur Le Préfet,
Nous nous permettons de vous
interpeller car la Police de l’Air et des Frontières française, placée sous
votre autorité, se livre quotidiennement, à la frontière franco-italienne, à un
inadmissible tri des réfugiés fuyant la guerre en Ukraine, laissant passer les
Ukrainiens et refoulant les non-ukrainiens.
Depuis le 24 février 2022, des
milliers de victimes de la guerre fuient l’Ukraine passant par la Pologne, la
Moldavie, la Hongrie et continuent leur chemin vers d’autres états européens.
Il est acquis que les personnes
arrivant aux frontières puissent, le plus facilement possible, passer dans un
autre pays membre, pour rejoindre de la famille ou des amis.
En effet, la commission européenne
rappelait le 8 Mars 2022 qu’il existait de multiples catégories d’entrants
parmi lesquels des citoyens de l’UE, des réfugiés reconnus par l’Ukraine, mais
aussi des étudiants et travailleurs de nombreux pays ; elle rappelait
qu’ « il est capital que
toutes les personnes qui fuient l’agression de la Russie en Ukraine, sans
exception, soient traitées avec le plus grand respect et le plus grand
soin ».
Le Conseil de l’Union Européenne a
décidé d’actionner, le 4 mars 2022, le dispositif exceptionnel de protection
temporaire prévu à l’article 5 de la directive du 20 Juillet 2001.
La circulaire ministérielle adressée le
10 mars 2022 à tous les préfets précise le champ d’application de la décision
du Conseil de l’Union :
-
Les ressortissants ukrainiens y résidant avant
le 24 février 2022
-
Les ressortissants des pays tiers bénéficiant
d’une protection internationale ou nationale équivalente
-
Les ressortissants de pays tiers résidant
régulièrement en Ukraine « sur la base d’un titre de séjour
permanent en cours de validité délivré conformément au droit ukrainien et qui
ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays d’origine dans des conditions
sûres et durables » ; pour
l’application de ces dispositions, vous convoquerez l’intéressé à un
entretien au cours duquel vous procèderez à l’examen de sa situation
individuelle.
-
Les membres de famille
La Commission européenne, dans une publication
du 21 Mars 2022 a rappelé que tant les personnes ayant droit à la protection
temporaire que celles qui n’y ont pas droit peuvent bénéficier du regroupement
familial.
Elle précise encore que les personnes
qui n’auraient pas droit à une protection temporaire et qui seraient en mesure
de retourner dans leur pays d’origine dans des conditions sures et durables devraient
être admises dans l’Union, même si
elles ne remplissent pas toutes les conditions d’entrée fixées par le code
frontières Schengen, afin que leur passage sur en vue de leur retour soit
assuré.
Il est donc de votre responsabilité de
garantir aux ressortissants non-ukrainiens fuyant les bombardements russes, un
entretien individuel et l’étude de leurs droits. Encore faut-il les laisser entrer
sur le sol français !
Or, plusieurs dizaines de
ressortissants de pays tiers fuyant l’Ukraine, ont, nonobstant ces directives
et recommandations, été refoulés à la
frontière franco-italienne par les agents de la Police de l’Air et des
Frontières placés sous votre responsabilité, en total contradiction avec les
décisions de l’Union Européenne et des engagements de la France.
Nous avons été alertés sur la gravité
de ces exactions, et avons été informés de source sure des réponses données par
un agent de la PAF, sur l’une de ces situations :
« Ils
ne sont pas ukrainiens, ils sont xxxx (…) Le plus court chemin pour XXXX, c’est
pas la France, c’est de l’autre côté. Ils repartent d’où ils viennent.
On
a des instructions.
(…)
Les Ukrainiens y’a pas de soucis, ceux qui sont pas ukrainiens, c’est comme ça.
C’est la loi. »
Ces pratiques vont à l’encontre d’un
traitement digne et respectueux des exilés fuyant la guerre en Ukraine. Elles
constituent une privation manifeste de leurs droits. Elles établissent une
discrimination intolérable et un tri honteux entre ukrainiens et non
ukrainiens.
Nous vous demandons de faire appliquer,
sans délais et sans dévoiement, la décision du Conseil de l’Europe éclairée par
la circulaire du 10 mars 2022 et la communication de la Commission européenne
du 21 Mars 2022 et de donner les instructions en ce sens aux services de la
Police aux Frontières.
Nous vous prions de croire, Monsieur
Le Préfet, à l’expression de notre parfaite considération.
Habitat et citoyenneté, la Ligue des Droits de l’Homme, le Syndicat des Avocats de France, et Tous citoyens.
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