Communiqué de presse :
La commission d'enquête parlementaire sur la protection de l'enfance
confirme les revendications de Tous citoyens !
La commission d'enquête parlementaire a publié le 8 avril 2025 un rapport dense et très pertinent sur "
les manquements des politiques publiques de protection de l'enfance". La partie de ce rapport dédiée aux Mineurs Non Accompagnés (MNA), les "oubliés des oubliés" (page 229 et suivantes), confirme au niveau national les constats et les propositions faites par de notre association Tous citoyens dans les Alpes-Maritimes.
En introduction, le rapport rappelle que "Les MNA sont avant tout des enfants protégés et devraient être traités comme tels, sans discrimination. Pourtant, une suspicion est entretenue à leur encontre. Ils subissent trop souvent une prise en charge low cost. L’État et les Départements se renvoient trop fréquemment la balle sur leurs responsabilités en la matière. Il est nécessaire de renforcer la protection de ces mineurs en leur garantissant un traitement de droit commun, sans renier les difficultés propres à leurs parcours."
L'évaluation de minorité et d'isolement par les Départements :
Notre association dénonce depuis longtemps des évaluations de minorité "à charge". Ces évaluations reposent, selon le rapport, sur un ensemble d’indices "pas toujours objectifs" et des entretiens "de qualité variable". Les parlementaires citent le Comité des droits de l’enfant de l’ONU qui notait que ces entretiens sont "souvent extrêmement lapidaires, voire expéditifs" et la Défenseure des Droits qui dénonçait le fait que les MNA soient "confrontés à des processus d’évaluation peu respectueux de leurs droits". Le rapport rappelle que la France a été condamnée en 2023 par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU concernant cette procédure d'évaluation.
Les tests osseux :
Nous dénonçons également le recours aux tests osseux par le Département 06 et par le tribunal pour enfants. Ces tests, non fiables, constituent un détournement d'un acte médical (une radio des os) à des fins administratives (une évaluation de minorité). Le rapport est clair : "Des tests osseux peuvent être réalisés mais ils ne peuvent pas suffire en eux-mêmes à établir la minorité de la personne en raison de leur manque de fiabilité" or c'est trop souvent le cas dans les Alpes-Maritimes.
Les conditions de mise à l'abri :
Nous dénonçons dans les Alpes-Maritimes des mises à l'abri systématiques en hôtel alors que ce type d'hébergement est désormais illégal, le manque de personnel diplômé et le manque de moyens matériels. Pour faire des économies, le Département délègue à des associations qui gèrent des foyers trop grands avec trop peu de personnel qualifié, comme à Châteauneuf de Grasse. Le rapport de la commission d'enquête parlementaire décrit une protection de l'enfance "à deux vitesses". Outre les importantes disparités de traitement entre les Départements, le constat est récurrent : "globalement, les MNA bénéficient souvent de conditions de prise en charge dégradées par rapport aux autres enfants et jeunes bénéficiaires de l’Aide Sociale à l'Enfance (...) Les conditions d’hébergement des MNA sont souvent parmi les plus précaires qui existent en protection de l’enfance."
L'insuffisance des soins médicaux et de la scolarisation :
Nous dénonçons dans les Alpes-Maritimes la non scolarisation dans les établissements publics des jeunes dont la procédure de reconnaissance de minorité est pendante auprès du tribunal pour enfants. De même, nous dénonçons l'insuffisance des soins médicaux dans les foyers : absences fréquentes de dépistage de la tuberculose et des MST lors de la mise à l'abri, absence de suivi gynécologique de jeunes filles déclarant pourtant avoir subi des violences sexuelles, et absence récurrente de suivi psychologique malgré le trauma des violences subies avant et durant la migration. Le rapport parlementaire confirme que "Les besoins en santé et en éducation des MNA sont souvent négligés" notamment concernant les délais de scolarisation et les troubles psychiques des jeunes."
Le non-accompagnement des jeunes majeurs :
Nous dénonçons également le nombre très insuffisant des contrats jeunes majeurs dans les Alpes-Maritimes, dispositif légal permettant l'accompagnement d'un jeune placé après sa majorité, ainsi que le grand nombre de rejet de demandes de titre de séjour d'anciens jeunes placés par la préfecture. Le rapport confirme ces difficultés et ces manquements. Les jeunes sont trop peu accompagnés pour préparer le passage à la majorité et se retrouvent souvent sans titre de séjour et sous OQTF. Le rapport explique que "L’accès à un titre de séjour doit être facilité pour les MNA pris en charge par l’ASE, car ce paramètre est déterminant pour leur permettre de construire un avenir."
Garantir la présomption de minorité et rendre le recours suspensif :
Parmi les recommandations de la commission parlementaires, retenons la plus importante, la recommandation 47 : "Garantir la présomption de minorité d’une personne se présentant comme mineur non accompagné (MNA) jusqu’à la décision de justice le concernant, lorsqu’il conteste la décision du département sur l’évaluation de sa minorité."
En effet, les jeunes déclarés majeurs par le Département ont le droit de déposer un recours au tribunal pour enfants pour être reconnus mineurs. Mais ces recours sont longs : dans les Alpes-Maritimes, le délai moyen entre le dépôt du recours et la décision finale de la justice est de 6 à 8 mois, parfois plus s'il y a passage par la cour d'appel. Les jeunes exilés ont le droit de faire un recours mais on ne leur fournit pas les conditions matérielles d'existence dignes permettant d'exercer réellement ce droit et ils se retrouvent à la rue en attendant la décision du tribunal. Notre association tente de maintenir un réseau d'hébergements solidaires : des citoyennes et des citoyens se relaient pour offrir un toit à ces jeunes exilés le temps de ces procédures.
La commission d'enquête parlementaire propose que le recours déposé auprès du tribunal pour enfants devienne suspensif, ce qui implique que les jeunes soient placés le temps des procédures judiciaires pour bénéficier de la protection de l'enfance. Le rapport précise : "Il est indispensable que le jeune bénéficie d’une présomption de minorité jusqu’à la décision de justice lorsqu’il saisit le juge pour contester la décision du département sur sa minorité. Cette présomption de minorité lui permettra de bénéficier d’un accueil provisoire également durant cette période. La saisine du juge doit donc être suspensive pour que le droit au recours devienne effectif."
Le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur la protection de l'enfance vient donc confirmer sur de nombreux points l'analyse et propositions que nous faisons depuis de longues années dans les Alpes-Maritimes.
Forts de ce constats nous proposons à nouveau au Département 06, à la préfecture des Alpes-Maritimes et au tribunal pour enfants de travailler en commun afin d'améliorer les conditions d'accueil des Mineurs Non Accompagnés dans notre département.